un exemple de candidature

Publié le par Joe l'indien

Comment adhérer à la Ligue Deu (la question pourquoi a déjà été étudiée) ? Il n'existe pas de réponse très nette à cette question. Les candidatures, toutefois, abondent. Comme celle du jeune Nathrakh, qui s'est fendue d'une missive très argumentée, dont nous reproduisons ici les principaux tenants et aboutissants :

"Bonjour,

Je suis prêt à ce que la Ligue Deu dispose de mon corps et de mon âme afin d'accomplir ses objectifs littéraires et politiques, si tant est que celle-ci m'accepte en ses rangs. Ma vie s'est construite autour d'un amour fanatique pour les littératures de l'imaginaire, seules capables d'offrir du rêve et de l'amour à toutes les classes socio-professionnelles, et ce depuis mon plus jeune âge. Durant ma jeunesse, je me rappelle avoir découvert Tolkien, Asimov et Gérard Klein avec les yeux émerveillés de l'enfance un peu naïve. Je jouais encore avec mon anus, lieu secret où tous les éléments de mon inconscient faisaient réunion pour organiser de grandes orgies oniriques durant des millénaires d'éternité ; monstres, chevaliers et fées se retrouvaient et participaient à des tournois de lancers d'excréments vers la lumière, vers l'ailleurs, un infini inconnu et effrayant, contre lequel ces petits archétypes de la littérature de l'imaginaire (que je chéris du plus profond de mon âme) luttaient. Certes, les gestes de ces minuscules personnages étaient forts vains, petite résonance dans un monde de bruit et de fureur, joyeux éclair à peine entendu, même par moi-même ; mais, au moins, mon anus était toujours propre, et ceci a contribué à mon amour martial pour les littératures de l'imaginaire.

Après avoir dépassé le stade sadico-anal, j'ai découvert les jeux de rôle, et notamment le jeu de rôle « grandeur nature ». Ô GN, paradis des hommes de vertu incompris, là où ils vont se reposer et vivre une vie de fantasme accompli en opposition à une réalité qui ne devrait pas avoir lieu d'être, elle qui a été construite à partir des glaires et des fluides de ceux qui n'aiment pas les littératures de l'imaginaire, préférant se contempler les organes génitaux en défendant une littérature sans intérêt pour ceux qui recherchent des compagnons de rêve et une liberté d'imagination qu'on ne peut trouver dans leurs pages de simple forme, sans idées, juste du style accepté par des éditeurs qui ne voient pas tout l'argent qu'ils pourraient se faire en acceptant MES livres et ceux de mes (futurs) camarades de la Ligue Deu. Heureusement que je n'étais pas seul durant mes heures de GN : j'ai rencontré tous mes amis à ces occasions, nous retrouvant dans notre haine commune des critiques qui ne voient pas l'originalité manifeste et l'utilité pour les siècles des siècles de nos écrits. Autour d'un feu de camp, nous mangions quantités de marshmallows et buvions des litres de Banga! ; mais durant ces retrouvailles hebdomadaires, où nous oublions pour quelques temps le lycée et les affres de la vie ordinaire, il était aussi question de nos plans pour éliminer tous ceux qui n'étaient pas en accord avec nos positions esthétiques et notre amour néo-classique pour les littératures de l'imaginaire (bénies soient leur nom). Nous nous organisions en centuries ou en divisions (selon l'inspiration du moment, nous jouions à l'armée romaine ou aux Freikorps), puis nous patrouillions les rues et le centre-ville de notre petite ville de banlieue parisienne, brûlant les succursales de L'Arbre à Lettres et l'antenne locale de la NRF. Quelle belle époque ce fut ! Tout cela est bien terminé à présent. Ou du moins le croyais-je avant de voir, ces dernières années, l'arrivée de nouvelles potentialités de combat et de réalisation de notre amour industriel pour les littératures de l'imaginaire. Bragelonne, Milady, et maintenant la Ligue Deu ; au vu des chiffres de vente et de l'organisation communautaire accomplie par Bragelonne, il est temps pour nous, amoureux des littératures de l'imaginaire, d'agir. Il est donc normal pour moi de présenter ma candidature à la Ligue Deu, seul espoir en notre pays pour voir advenir le règne éternel de l'Imaginaire sur les hommes. Et cela serait beau, et cela serait bon.

Jusqu'où suis-je prêt à aller pour voir les objectifs de la Ligue Deu se réaliser ? Mon corps n'est rien, l'Imaginaire est tout. Depuis trop longtemps, les sites élitistes et les critiques agissent en toute impunité contre l'Imaginaire ; le temps des demi-mesures n'est plus. Je suis prêt à me couper les phalanges afin de récolter mon sang et d'en faire le matériau de mes écrits, pour qu'ils soient rouges, rouges du sang d'un innocent zélé ; à m'émasculer, la promiscuité n'étant que le désir des faibles et de ceux de peu de volonté (mes organes serviront à la nourriture des combattants, car il est nécessaire que chacun fasse du corps de l'autre un élément de son être en tant que tel ; ce n'est qu'en faisant prendre conscience à tous les combattants de l'Imaginaire qu'ils sont les éléments d'un Tout que la victoire pourra être assurée) ;
[suit un passage qu'une décence et le manque de trésorerie susceptible de nous assurer le gain du procès subséquent nous empêchent hélas de reproduire dans son intégralité] à découper et à distribuer à tous les combattants de l'Imaginaire (le sacrifice d'un élément majeur des littératures de l'Imaginaire est nécessaire afin de faire comprendre au Tout de l'Imaginaire que ce dernier n'est pas acquis, qu'il doit toujours être mérité, à jamais) ; à faire jouir tous les auteurs de la Ligue Deu, de la manière qu'ils le désirent, je ne suis rien, je ne suis rien, votre splendeur m'éblouit, vous, glorieux maîtres des littératures de l'Imaginaire (enfin, surtout Fabrice Colin), faites de mon corps et des mes fluides ce dont vous désirez, mes glaires ont le goût de lavande ; à mourir, enfin, sous le feu de l'ennemi, ne laissant que mon squelette, qui deviendra relique pour tous, à chérir en souvenir de mon combat. Mon crâne sera exposé, mes tibias feront l'objet d'élégies, les osselets de mes oreilles seront offerts aux enfants, joyeux bambins encore innocents, je ne suis rien mais mon combat pour l'Imaginaire EST TOUT.

Avant cette mort glorieuse, je suis prêt à coudre des uniformes et des brassards pour la Ligue Deu, ainsi qu'à fournir la musique (tendance industrielle néo-classique martiale) pour les réunions. Je peux aussi acheter la bière et des cookies (mais pas trop, je suis pauvre, l'Imaginaire paie peu, mes bons amis), ou faire un groupe Facebook.

Sur ce, GLOIRE À LA LIGUE DEU ! GLOIRE À L'IMAGINAIRE ! MORT À LA FAUSSE SF ! SIEG HEIL ! DIE FAHNE HOCH, etc.

Bisous, glaires, cendres, mort,
Nathrakh."


La Ligue Deu ne cultive ni le secret ni le mystère, sinon celui, insondable, des gouffres éternels que recèle notre psyché collective. C'est pourquoi nous tenons publiquement à assurer le dénomme Nakhrath de notre indéfectible amitié et lui assurons une place à la table de la Ligue, en l'attente d'un éventuel véto et de la réunion bimestrielle du Comité Interne.
Naturellement, nul n'est besoin d'exhiber des fluides ou de promettre des sacrifices pour être admis au sein de notre organisation. Le zèle est apprécié mais la retenue l'est tout autant. Assurément, c'est dans la pluralité psychologique de ses membres (et dans le déploiement de leurs goûts littéraires, que nous espérons varié et complémentaires) et dans leur insondable richesse que réside la richesse de la Ligue Deu. All hail discordia, & que le Règne du Grand Pan étende son ombre sur le paysage de vos âmes, amen.
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
N
Je suis prêt à faire ce qu'on me demande, maîtresse.
Répondre
K
Ou alors dessus, mais en morceaux. Farcis.
Répondre
K
*Sous* la table, plutôt. Merci.
Répondre
K
*Sous* la table. C'est mieux.
Répondre