une auteuze-éditeuze à la ligue deu ! (et merde)
Madame, Monsieur,
Je viens par la présente postuler au titre de membre de la ligue deu. Je suis une auteuze (oui, auteuze. C'est plus rigolo qu'auteure et ça sonne mieux à l'oreille. ) motivée et très impatiente de faire mes preuves dans votre belle entreprise. Je suis convaincue que mes compétences pourront s'épanouir au sein de votre groupe, car je fais preuve de beaucoup d'imagination. En effet, j'ai commencé très jeune à m'intéresser à l'écriture, et à deux ans et demi, j'ai rédigé à la peinture à doigts sur le mur de la chambre l'histoire de mon canard en plastique et de ses fameuses aventures de la salle de bain. A dix ans j'écrivais des poèmes épiques sur les coucous qui jettent sauvagement les œufs hors des nids avec des haches et des épées. Ensuite, j'ai découvert la science-fiction, et mon imaginaire a soudain rejoint un univers fantastique où des filles à gros seins se jetaient aux pieds de super mâles virils en uniformes galactiques et portant fièrement dressés des fusils à proton. Depuis je ne cesse de tenter de m'améliorer et je rédige de nombreux textes que des éditeurs vils et incompétents s'entêtent à refuser par jalousie. Les éditeurs, ce sont des écrivains ratés qui se vengent sur les auteurs. C'est pour ça que j'ai tenté moi-même d'être éditeur, mais il faut croire que mes manuscrits ne rentraient pas dans ma politique éditoriale parce que je ne les ai jamais publiés. Mais je suis persuadée qu'avec la Ligue et les pots de vin adéquats, le monde va découvrir les littératures de l'imaginaire et ne pouvant plus s'en passer, ses auteurs finiront par avoir leur statue dans les squares et nous serons tous riches, célèbres et infiniment puissants.
Dans l'attente de votre réponse que j'espère favorable, veuillez croire, Madame, Monsieur, en l'assurance de mon impatience à vous rejoindre.
Leni Cèdre alias Hélène Ramdani, auteuze ayant son avenir devant elle, surtout quand elle se retourne.
Chère madame Ramdani,
Bienvenue à votre navire et à vous bien sûr !! Une douce présence féminine et maternante ne sera pas de trop pour les longues réunions d'hiver ; peu d'entre nous, hélas ! savent faire la cuisine.
Par ailleurs, nous vous serions très reconnaissants de retrouver la trace de vos poèmes épiques sur les coucous : nous vous rappelons que nous préparons une anthologie.
Vous avez raison de stigmatiser l'incompétence des éditeurs parisiens, et nous vous rejoignons sur ce point. Il est toutefois étonnant que - étant une femme - car vous en êtes une, n'est-ce pas - lol - vous n'ayiez pas réussi à être publiée. Sans doute quelque chose choque-t-il dans vos textes. Sans doute avez-vous touché une corde sensible, fait sonner une cloche, mis le doigt sur un problème ou refusé un rapport sexuel. A moins que vous ne soyiez vraiment bonne, si je puis me permettre : comme les professeurs de physique-chimie ou les supporters du FC Nantes, les éditeurs parisiens fonctionnent dans un système de jalousie : s'ils se rendent comptent que vous êtes bons, ils ne vous publient pas - sauf s'ils pensent que ça peut les rendre plus riches qu'ils ne le sont déjà, taxes comprises.
Mais peu importe votre talent. Nul n'est besoin de pots de vin désormais, Hélène (ce qui ne vous empêchera pas de boire, mais avec modération). Avec la Ligue, vous marcherez d'un pas vaillant, le glaive brandi, déterminée à vaincre l'ennemi et à l'ensevelir sous des monceaux de pur talent littéraire féminin.
Bien amicalement, alleluïa.
Le secrétaire & vice-président du directoire exécutif.